La dernière braise

La dernière braise a été écrite en quelques heures seulement pour le concours La Mort en Cavale du site Short-edition. Il s’agit d’un concours de nouvelles qui impose :

  • Une thématique commune à l’ensemble des participants : “La Porte”
  • Seulement 8000 caractères (nouvelle très courte)
  • Un temps de rédaction très court : 6 heures seulement !

Swana est seule dans sa hutte. Le Vent secoue la nuit. Souhaite-t-il l’effacer comme les traces de pas dans le désert ? Il y a quelque chose dehors et son feu se meurt…

Pour plus de confort, vous pouvez télécharger La dernière braise au format epub pour pouvoir la lire sur tablette et liseuse.

La dernière braise

Le Vent transperce les murs de la hutte. La paille bruisse, siffle, frémit, tambourine contre les arches de bois qui maintiennent la structure. L’air glacial glisse sur la peau de Swana. Elle ne dort plus. Elle ne sait pas ce qui, du vent ou du froid, l’a réveillée. Ses claquements de dents accompagnent le vacarme du vent. Elle est seule. Koaga est parti commercer en ville.

Des bourrasques secouent son abri. Le Vent mugit comme un jour de tempête. Swana se redresse. Frigorifiée, elle grelotte comme la paille de sa hutte. Son regard glisse vers l’entrée : devant la porte, le feu faiblit. Le halo rougeoyant est à peine suffisant pour éclairer les parois voûtées. Les récipients et les outils forment un amas indistinct et grisâtre.

Est-ce la mort du foyer que le vent réclame ? Pourtant il attise les dernières braises.

Swana s’approche de l’entrée pour surveiller les braises. Impuissante, elle n’a plus rien pour nourrir le feu.

C’est la Nouvelle Lune. La nuit est si noire et le feu si faible que la porte semble un trou sans fond. Curieuse impression pour une si petite entrée : on y entre à quatre pattes, comme de jeunes antilopes, pour se protéger des bêtes sauvages et de la morsure du froid.

Au-dehors, le Vent siffle toujours. Il est en colère. La Lune entame un nouveau cycle. Elle croîtra dès demain pour sublimer l’âme des défunts en nuages bienfaiteurs. Comme tous les mois, le Vent pense que la Lune ne reviendra pas et qu’elle laissera les morts dans le désert.

Des grains de sable glissent sur le sol. C’est un mauvais présage. Le Vent pourrait vouloir l’effacer comme il fait disparaître les empreintes de pas dans le désert. Swana frémit : il sait qu’elle est seule dans la hutte. Il veut profiter de la faiblesse de la Lune pour l’emporter. Koaga ne la retrouvera jamais.

Elle attend, tremblante et vulnérable.

Le Vent se calme.

Swana respire à nouveau. Son regard se perd dans les ténèbres de la porte. Les ténébrions commencent à chanter, rompant le silence de leurs crissements réguliers.

Les contours s’assombrissent. Swana baisse la tête : il ne reste plus que trois braises allumées. Elle scrute l’entrée béante. Noire. Immensément noire. Impression de basculer comme dans un puits. Pas une couleur, pas une lueur ne vient troubler l’obscurité car la porte est si petite qu’elle ne peut apercevoir les étoiles du ciel.

La clarté du feu rétrécit encore. Les parois de la hutte pourtant si proches disparaissent. Les rares objets qu’elle possède se nimbent de nuit. Perceptions ouatées de somnolence.

Le crissement des scarabées cessent.

Dehors, quelque chose les a fait taire.

_ Koaga ?

Sa voix ténue peine à sortir du halo des braises mourantes. Elle sonde l’extérieur, les yeux écarquillés. Comme les taches de lumière dansent devant les yeux quand on fixe le soleil, les ténèbres palpitent de mouvements noir sur noir. Terrifiée, elle cherche en vain de quoi nourrir le feu.

Le crissement rassurant des insectes reprend.

_ Koaga ?

Les ténébrions se taisent. Elle ne sait pas pourquoi elle a réitéré son appel inutile dans le désert. Le silence est tel qu’elle en regrette le vent. Le sang palpite à ses oreilles.

Craquements de brindilles.

Elle sursaute telle une gerbille, puis se reprend. Avançant la main derrière son dos, Swana fouille doucement dans ses outils. Ses doigts retrouvent la forme de son bâton à fouir. Elle attrape le manche pour le tirer vers elle. Le claquement des outils et le raclement des récipients de terre cuite sont un vacarme en comparaison des frémissements de brindilles qu’elle a précédemment entendu.

Swana dresse son arme devant la porte de la hutte. Elle attend. La femme a vu les hommes chasser. Elle sait qu’il faut faire preuve de patience, que le danger peut surgir à tout moment. Swana se mue en statue protectrice au-dessus des braises mourantes. Quoi qu’il advienne, elle est prête à se défendre.

Crissement d’insectes.

Swana attend, immobile. Son souffle maîtrisé répond à la cadence des scarabées. Elle ignore la douleur de ses muscles tétanisés. Elle n’ose plus fermer les paupières, de peur d’être attaquée dans l’intervalle. Rien ne sort de l’épais rideau de ténèbres.

La dernière braise s’éteint.

Nouvelle lune. Impénétrable noirceur. Les sens en émoi, Swana scrute. Le temps s’écoule au rythme des cris des scarabées. Le froid transit ses mains. Sa tête dodeline. Son bâton tangue et frappe le sommet de la porte. Elle s’endort.

L’aube fait courir une lumière chaude sur ses paupières. Elle a basculé dans les cendres du foyer. Essuyant la suie de son visage, elle se juge durement : quelle idiote d’avoir laissée la peur la saisir comme une enfant dans le noir ! Elle est seule. Seule et apeurée par le vent, la nuit, le craquement de la paille qui couvre son abri. Par le trou de la porte, les étendues désertiques la somment de chercher les tubercules dont elle déjeunera.

Sortant à quatre pattes, sa main recouvrit partiellement l’empreinte du lion devant sa porte.

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La dernière braise, comme toutes les nouvelles publiées sur ce site, est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas de Modification 3.0.

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