La plume d’Aquila

Voici, La Plume d’Aquila, présentée dans le cadre du concours de la médiathèque de Chateaugiron pour le Salon du Livre « Les Enchanteurs ». Deux contraintes : écrire un texte de 4000 signes (une page, que c’est difficile !) et s’inspirer d’une illustration de Chiara Arsego.

Si l’image m’a tout de suite fait penser à un univers de fantasy, la limite des 4000 signes a été vraiment difficile pour moi. Comment construire tout un monde en si peu de mots ?

Illustration d'un château situé au sommet de branches.
L’illustration de Chiara Arsego qui a inspiré ce texte. Image publiée avec l’aimable autorisation de l’illustratrice.

Découvrez ci-dessous la micro-aventure de Cataya, partie à la recherche de la plus grande plume du monde !

Pour plus de confort, vous pouvez télécharger La plume d’Aquila au format epub pour pouvoir la lire sur tablette et liseuse.

La plume d’Aquila

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Le cri de détresse déchira le silence de la canopée. Seule, Cataya ne se souciait pas de tarir ses pleurs.

Le vent mugissait. D’étouffantes nuées de poussières tournoyaient dans son abri creusé dans l’arbre. Cataya bandait ses plaies. Elle avait été précipitée dans le vide par une bourrasque. Sa corde avait arrêté sa chute. Comme un pendule, Cataya avait buté contre le tronc à en briser son plastron d’ambre. Elle ne savait pas combien de temps elle était restée suspendue, inconsciente.

De son perchoir, des trouées dans les branches laissaient apercevoir le sol en contrebas, d’un éloignement vertigineux. Il y a des mois, elle avait quitté sa ville lovée dans les branches, saluée par les cueilleurs de sève sur le chemin. Elle se souvenait avec nostalgie de la tour ronde qui perçait la pénombre du sous-bois et des épais remparts qui ceignaient le château. Au fil de sa montée, elle n’avait plus rencontré que des éleveurs en transhumance, puis plus personne. Même Hirund, son fidèle destrier, l’avait abandonnée, terrifié d’affronter Aquila.

Cataya s’endormit d’épuisement sur l’amer constat de sa solitude.

Le lendemain, alors que désespérée, elle s’apprêtait à descendre, elle grava son nom de pionnière à l’intérieur de l’abri. Regardant avec fierté les marques inaltérables, elle leva le nez et comprit qu’elle ne pouvait pas redescendre si près du but.

L’ascension fut difficile. Se méfiant du vent qui pouvait à nouveau la faire basculer, elle attendait le moment propice pour avancer, centimètre après centimètre. Elle traversa deux maigres houppiers avant de se trouver dans l’ombre de la tanière d’Aquila.

Un tas grossier de branchages de la taille d’un pâté de maisons tenait en équilibre au sommet. Cataya se fraya un chemin dans l’entrelacs d’aiguilles de pin. Pour éviter le déshonneur, elle devait ramener la plus grande plume du monde comme preuve de son périple. Du duvet blanchâtre couvrait le sol. Elle aurait pu s’en faire un pagne, sans l’agglomérat de fientes collé dessus.

Le ciel s’assombrit brusquement. Muette de terreur, Cataya vit le colossal oiseau la survoler. Les ailes déplaçaient des torrents d’air. Elle s’agrippa aux branches pour ne pas être soufflée.

Aquila atterrit dans un bruit mat, faisant trembler le nid. Les serres tapotaient le sol. Chaque griffe faisait la taille de sa cuisse. Il étendit une aile et entreprit de nettoyer son plumage brun de son bec effilé. Immobile, l’aventurière était trop insignifiante pour qu’il la remarque.

Le géant s’endormit après sa toilette. Cataya se fraya lentement un chemin jusqu’à lui. Il frémit lorsqu’elle glissa ses mains sur une rémige. Elle tira son couteau et comprit à sa taille dérisoire qu’il ne lui permettrait pas de couper le calamus.

Cataya grimpa sur le dos du géant et tira de toutes ses forces sur la plume pour l’arracher. Aquila s’éveilla en glatissant de douleur. Il se redressa en ouvrant grand les ailes. Cataya, cramponnée à la plume était secouée comme dans une essoreuse.

Le calamus céda soudain. Elle bascula en arrière. Son vol plané lui sembla durer des heures. Elle s’effondra contre le bord du nid.

Le regard d’or du rapace se focalisa sur la voleuse qui titubait à quatre pattes, son trophée auprès d’elle. Des secousses ébranlèrent le sol quand Aquila bondit. Elle roula sur le côté et bascula dans le vide.

Le vent la porta quelques secondes avant que la gravité ne reprenne ses droits. Elle chuta, chuta à travers les branches, fouettée par les aiguilles du cèdre qui la ralentissaient à peine.

Hirund surgit dans son champ de vision et la rattrapa au vol. Dans un éclat de rire triomphant, Cataya flatta le cou de son hirondelle de combat, la plume d’aigle royal serrée contre son cœur.

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